Dix mots que les allergiques au franglais rêvent de vous faire adopter

19/07/2012 | 15h04

C’est le Journal officiel qui le dit : désormais, en France, il vaut mieux dire “mot-dièse” que “hashtag”. L’occasion de relire notre article sur les doux illuminés du forum WikiLF, une bande d’allergiques au franglais qui mènent une lutte acharnée contre la Jean-Claude-Van-Dammisation du français. Naissance d’un dictionnaire aussi innovant qu’inutilisable.

Le défi de WikiLF est immense : combattre, syllabe après syllabe, les mots d’origine étrangère incrustés dans nos conversations – sitcom, teaser et les autres. Les mauvaises langues disent que la lutte se distingue par son inutilité – qu’importe, il est prévu d’y passer plusieurs années. D’autant que l’initiative est très sérieuse : elle provient du ministère de la Culture qui, depuis 40 ans, embauche des batteries d’experts pour inventer les substituts au franglais.

Résultat, même si personne n’est au courant, le Web est officiellement une “Toile d’araignée mondiale”, les cheerleaders des “gymnastes-animatrices”, les teasers des “aguiches”, et les blockbusters… de “grosses machines”. Le ministère compte beaucoup sur le sens de l’Histoire pour promouvoir ses nouveaux mots. Dans quelques années, c’est sûr, le monde francophone jugera The Dark Knight pour ce qu’il est vraiment – une “grosse machine” américaine.

Un espoir que partagent les passionnés du forum WikiLF, bouillonnante plateforme qui permet, de chez soi, de prendre part à la contre-attaque francophone. Le site a été lancé il y a un an, mais les mots proposés n’ont pas encore réussi à convaincre les experts du ministère. Les créations du Comité anti-Jean-Claude Van Damme méritent pourtant notre soutien. La preuve en dix exemples.

• week-end

Plus un mot est court, moins il est long, plus il a de chance d’être adopté. Une règle de base, consciencieusement appliquée par le Comité pour décrire la période qui court du samedi au dimanche : “samdim”. Comme une évidence.

• #hashtag

Pour l’instant, le Comité est dans un abîme de perplexité face à ce barbarisme qui désigne un mot-clé sur Twitter. Certains membres proposent, en attendant de bien saisir l’utilité du machin, “dièzerie” ou “croisillon”.

• lolcat

Pour une fois, il y a quasi-consensus au Comité. “Chamusant” est LA proposition phare (un membre a d’ailleurs ajouté « cha ch’est amuchant »). Un bon moment, malgré la légère déception de “chamdr”, à peine évoqué.

• fashionistas

Malheureusement pour elles, le Comité ne rate jamais la “Semaine de la mode” – Fashion week en mauvais français. Les fashionistas qu’il y débusque pourraient bien devenir des “modamantes” (verlan d’amantes de la mode), ou “modéadors” (féminin de toréadors). Tremblez, genoux cagneux.

• garden party

Après un débat pointu au sein du Comité, c’est “jardivité”, terme jugé agréable car “peu générateur de pression intra-buccale à l’épicentre de la formation des phonèmes et de tension musculaire péri-buccale corrélative”, qui a remporté les suffrages. Le trop facétieux “champagne à gazon” a été éliminé.

• friday wear

Puisqu’on s’endimanche le dimanche, il faut “se vendrediser” le vendredi. Implacable logique du Comité, en polo pour l’occasion.

• happy hour

Il est 18h, joie dans les polos, braderie sur les mojitos. Souriez c’est “l’heureureuse”.

• binge drinking

“Biture fissa”, “biture expresse”, “viture” (accouplement de “vite” avec “biture”)… La grosse murge teenage a inspiré le Comité. Jusqu’à ce qu’un membre rappelle qu’il faut éviter les mots “trop rigolos, car ça aurait le défaut d’encourager cette action qui n’est pas recommandable”. “Soûlographie” est à l’étude.

• thriller

Peut-être la croisade la plus courageuse du Comité. Car le terme, imprononçable, a réussi à coloniser tous les cerveaux via la Fnac et feus les vidéoclubs. Les sages sont lucides : pour l’instant, “frilar” et “frissonneur” ne font pas le poids. WIP.

• wiki

Epargné. Le Comité – réuni sur WikiLF – a décidé de laisser le mot tel quel. « Pour une fois qu’un terme vient de l’hawaïen et pas de l’anglais, n’y touchons pas », ont conclu les membres, tout en démentant tout conflit d’intérêt.